Débat sur les nitrites

Il va falloir trancher : un rapport parlementaire recommande le bannissement progressif d'ici à 2025 des nitrites, ces additifs controversés utilisés dans les charcuteries pour allonger leur durée de conservation, mais soupçonnés de favoriser l'apparition de certains cancers. Dans leur argumentaire, les auteurs du rapport, s'appuient sur les auditions de scientifiques, au premier rang desquels le professeur Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer. Lors des auditions, Axel Kahn a estimé que "le fait de traiter les charcuteries aux nitrites semble être franchement corrélé" à une augmentation du caractère cancérigène de la viande, une thèse vivement contestée par les industriels.
S'appuyant sur ces expertises, le rapport préconise en premier lieu d'"interdire l'utilisation des additifs nitrés dans la charcuterie à compter du 1er janvier 2023 pour les produits à base de viande non traités thermiquement", comme le jambon cru, et "à compter du 1er janvier 2025 pour l'ensemble des produits de charcuterie", dont le jambon cuit, donc. "Cette interdiction, qui exige une véritable transition de la filière, doit être accompagnée par les pouvoirs publics, notamment sur le plan financier", estiment les auteurs du rapport, le député Modem du Loiret Richard Ramos, adversaire de longue date des additifs nitrités, et ses collègues Barbara Bessot-Ballot (LREM) et Michèle Crouzet (UDI). D'où la préconisation d'accompagner cette transition "par la mise en place d'un fonds public destiné à soutenir l'adaptation des outils de production des transformateurs", en particulier artisans, TPE et PME.
"76% environ de la charcuterie mise sur le marché dans la grande distribution contiendrait des nitrates ou des nitrites", indique le rapport, dont les préconisations ont inspiré le dépôt par le député Ramos d'une proposition de loi. Sa date d'examen n'a cependant pas encore été arrêtée, selon lui. L'interdiction des nitrites "aurait des conséquences sanitaires qu'on aurait du mal à mesurer", a assuré à l'AFP le président de l'interprofession (Fict), Bernard Vallat. La résurgence potentielle de cas de botulisme et autres microbes est notamment régulièrement avancée par les fabricants dans leur argumentaire de défense. Un "chiffon rouge", selon le rapport, qui estime que c'est "l'amélioration des conditions sanitaires et des protocoles d'hygiène dans l'ensemble de la chaîne de production" qui a permis "de réduire cette menace jusqu'à sa quasi-éradication".
Autre argument avancé par les industriels, le risque que ferait peser la suppression de ces additifs sur le goût, compte tenu du risque accru d'oxydation, soit la détérioration des jambons et saucissons au contact de l'oxygène. D'autres additifs existent, "mais présentent une durée de conservation réduite, nécessitent plus de sel, et présentent des coûts de production plus élevés", a indiqué à l'AFP M. Vallat. Industriels et parlementaires se répondent pied à pied dans cette guerre de tranchées : selon le rapport, outre la couleur rose que donnent les nitrites au jambon, ancrée dans l'esprit du consommateur comme un gage de fraicheur, ces additifs permettent d'utiliser une viande de moins bonne qualité.