Focus sur les fraudes alimentaires

Les fraudes alimentaires "se multiplient" en Europe et en France, assure l'ONG foodwatch qui lance une campagne dans l'Hexagone pour obtenir des autorités françaises davantage de "transparence" notamment sur les sociétés "prises en défaut". Selon elle, "le sujet reste tabou en France". "Nous avons au mieux uniquement accès à des informations très générales sur les conclusions de certaines enquêtes menées par la répression des fraudes (DGCCRF) ou la Direction générale de l'alimentation (DGAL). Mais le nom des marques concernées par des fraudes, celui des produits, des fabricants, les quantités et les lieux de vente par exemple, sont la plupart du temps tenus secrets", regrette-t-elle. "Rien ne justifie l'opacité actuelle. Il s'agit avant tout d'un choix politique, aujourd'hui entre vos mains", écrit l'organisation dans une lettre, rendue publique, adressée au ministre de l'Economie Bruno Le Maire et à celui de l'Agriculture Julien Denormandie.
Pour sa campagne, qui s'accompagne d'une pétition, l'organisation s'appuie sur un livre intitulé "Manger du faux pour de vrai" (Editions Robert Laffont), fruit d'une enquête sur la fraude alimentaire en Europe menée par Ingrid Kragl, en charge des investigations pour foodwatch. En 400 pages, elle égrène les scandales alimentaires des dernières années en Europe: la viande de cheval vendue comme étant du bœuf, l'huile de tournesol devenue soudain de l'huile d'olive, beaucoup plus chère, grâce à un ajout de chlorophylle, le thon avarié injecté d'additifs dangereux pour lui donner l'air d'être frais et qui a provoqué des intoxications alimentaires... Elle évoque des vins du Languedoc devenus du pomerol ou du margaux, les produits faussement bio, ceux qui s'arrogent une Appellation d'origine protégée (AOP) sans pouvoir y prétendre ou encore les miels lourdement édulcorés chimiquement. "J'ai voulu créer un électrochoc", explique-t-elle à l'AFP. "D'autant qu'avec l'épidémie du Covid-19, cela ne s'arrange pas, les autorités de contrôle étant focalisées sur d'autres priorités en lien avec la crise sanitaire".
Ingrid Kragl convient que d'une manière générale en France, "nous ne sommes pas les plus mal lotis" face aux fraudes alimentaires. Mais dans le domaine de la transparence, l'Irlande et le Danemark "ont pris les devants" et "montrent l'exemple à toute l'Europe", assure l'ONG. Selon la Commission européenne, les pertes pour l'industrie liées à ces fraudes alimentaires sont estimées à "environ 30 milliards d'euros chaque année" en Europe, rappelle l'organisation née en 2002 en Allemagne et implantée en France depuis 2013.